Gonca Kilicaslan, ou l’histoire d’une nana à roulette que rien n’arrête.

 

 

Toukan & Palmyre : Bonjour !

Gonca : Bonjour !

T&P : Peux-tu te présenter à nos lectrices ?

Gonca : Je m’appelle Gonca, j’ai 27 ans et je suis une mannequin à roulettes !

(Sourire)

Je suis passionnée de mode et de communication.

T&P : On t’a découverte sur Instagram.

Gonca : C’est exact. J’ai décidé d’ouvrir ma page Instagram afin de me présenter et de montrer autre chose que de la pitié et du handicap. C’est vrai, je me déplace en fauteuil roulant et en déambulateur mais je me maquille et je sors comme toutes les femmes de mon âge.

T&P : Parle-nous un peu de ton handicap.

Gonca : Je suis née à 6 mois, j’étais une petite crevette. Mes membres inférieurs n’étaient pas bien formés et ma mère a eu une grossesse difficile. On ne savait pas si j’allais vivre et si c’était le cas, avec quelles séquelles au niveau motricité. Quelque temps après, on a vite compris que j’aurai du mal à marcher.

T&P : Quel genre d’enfance as-tu eue ?

Gonca : Très heureuse au niveau familial. Mais petite, je souffrais du regard des autres. Surtout qu’à un certain âge, les enfants sont très cruels entre eux. On ne voulait pas jouer avec moi, et on se moquait souvent de mon handicap. Je me sentais en décalage.

T&P : Arrive l’adolescence.

Gonca : Oui. Et là, c’est le déluge de questions.

T&P : Par exemple ?

Gonca : Est-ce que le handicap nuit à la beauté ? On se heurte déjà à ce moment-là de la vie aux questions générales sur le physique, la féminité. Alors ajoute un handicap et c’est la catastrophe dans ta tête.

Puis j’ai réalisé une chose. Je vais être belle, mais à travers autre chose que le physique. J’ai commencé des études supérieures. Après tout, à la fac on s’en fiche du regard des autres. On regarde nos notes donc intellectuellement, je vais frapper fort. Et je peux te dire que ce fut le cas.

(Rires)

Je manifestais mes opinions, je m’affirmais ! Et j’ai fini par développer un fort caractère !

(Rires)

Je n’ai peut-être pas de pieds mais j’ai une tête.

(Fou rire)

Tu sais, j’ai appris avec le temps qu’il faut tout donner en double. Dans ma situation ou une autre d’ailleurs. Gueuler plus fort quand il faut gueuler ! Insister plus etc. Et plus le temps passait, plus j’ai gagné en maturité.

T&P : Une chose t’a frustrée par contre dans ton parcours scolaire.

Gonca : Oui. J’étais dans un IME (institut médico-éducatif) et je ne me sentais pas à ma place. C’est bête à dire, mais me retrouver là-bas a fait que j’ai eu un relâchement. On m’aidait pour tout !! Ça m’a rendu fainéante (rires). Plus tard, j’ai décidé de poursuivre un parcours scolaire normal, même si j’en avais peur au début.

T&P : Et tu as plutôt bien réussi n’est-ce pas ?

Gonca : Je n’ai pas fini d’atteindre mes objectifs mais oui, j’ai obtenu mon bac pro vente action marchande, j’ai validé un BTS MUC puis j’ai enchaîné avec une licence pro management des collectivités territoriales et un Master sciences du territoire, évaluation et management des politiques sociales.

T&P : Comme je le disais, tu as réussi !

(Rires)

T&P : En 2015, tu participes au concours Miss HandiFrance. Comment t’es venue l’idée ?

Gonca : En feuilletant un magazine par hasard ! J’étais étudiante, j’avais un peu de temps, je me suis lancée. La première étape du concours était un entretien. Le but de cet échange était de savoir si je me sentais bien dans ma peau. C’est là que j’ai pris conscience de l’engagement fort derrière le concours.

T&P : Quel est cet engagement ?

Gonca : Montrer que le handicap n’empêche pas d’être ambassadrice beauté.

T&P : Tu te sentais capable de porter un tel engagement ?

Gonca : Honnêtement, j’étais bouleversée. Est-ce que j’accepte vraiment mon handicap et le regard des autres ?

T&P : Et la réponse ?

Gonca : Aucune idée. J’étais perturbée. J’ai préféré garder ça pour moi. Je n’en ai parlé à personne avant de savoir si j’étais sélectionnée.

T&P : Et tu as été sélectionnée quelques jours plus tard !

Gonca : Oui. Je l’annonce donc à mes parents au petit-déj et leur réaction a été une vraie bénédiction. Mes parents se sont émerveillés, mais ne réalisaient pas trop. Ma sœur m’a encouragée, m’a maquillée, coiffée. J’avais tout pour être confiante.

Mais j’avais encore un blocage…

T&P : Tu es allée jusqu’au bout du concours ?

Gonca : Oui. Même si j’étais entourée, la personne qui a donné le dernier coup de boost dont j’avais besoin fut ma tante. J’ai mis tous mes doutes de côté, et j’ai foncé.

T&P : Pourquoi ces doutes ?

Gonca : Je suis née avec un handicap, c’est vrai ! Je n’avais pas d’autre choix que de l’accepter. Mais je me suis rendu compte que cette acceptation n’était pas complète. Et le fait d’affronter le regard des gens par le biais de ce concours allait être déterminant.

On est obligé d’enlever les barrières de la vie et de la société dans ce genre d’évènement !

T&P : Tu as d’ailleurs réussi à les enlever puisque tu as été élue 1ère Dauphine Miss Handi France 2015. Si tu avais la possibilité de le refaire, tu te réinscrirais ?

Gonca : Oui et non ! Oui, car j’ai le sentiment d’avoir pu changer ma façon de voir les choses. Mais aussi d’avoir changé la façon dont les autres voient les choses par rapport au handicap. Et non, car il faut laisser la place aux autres. C’est une expérience magnifique !

T&P : Aujourd’hui tu en es où ?

Gonca : J’aimerais devenir directrice d’un EHPAD (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.) Je veux changer les choses, apporter un plus aux personnes qui vivent une situation de handicap. Je suis là pour ça !

Actuellement, je travaille aussi sur ma marque de vêtements Nana à Roulette !

T&P : Génial ! Et le mannequinat dans tout ça, tu vas abandonner ?

Gonca : Pas du tout ! Il y a tellement de choses à faire aussi dans ce milieu. Je veux être là où je peux changer les mentalités.

T&P : Comment définirais-tu ton combat ?

Gonca : Enlever les tabous, changer les regards. Être vecteur de messages positifs.

T&P : Un exemple ?

Gonca : N’ayez crainte de votre différence car elle ne peut être qu’un atout.

T&P : Tu es soutenue dans tes magnifiques projets ?

Gonca : Mes parents m’accompagnent énormément. C’est leur manière de me montrer qu’ils sont avec moi. Ils m’ont donné cette force ! J’ai pu étudier, vivre seule etc. Mais j’ai dû redoubler d’efforts pour ça. Il fallait que je leur prouve que je pouvais être indépendante.

T&P : Le conseil de la fin à nos lectrices ?

Gonca : Accroche-toi à ta raison de vivre. Crois en toi. Personne n’est bête. Tout le monde a un potentiel à faire ressortir !

T&P : Merci !

 

 

Toukan & Palmyre

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